L'Algérie et l'Egypte - Vincent Courdouan et ses contemporains provençaux

Publié le par Champi

L'Algérie et l'EgypteMusée d'Art

du 3 avril au 27 juin 2010

 

"Au siècle de Louis XIV, on était helléniste, maintenant, on est orientaliste."

Victor HUGO, Les Orientales, 1829.

 

Afin de célébrer le bicentenaire de la naissance du peintre toulonnais Vincent COURDOUAN, le Musée d'Art consacre une exposition aux voyages et paysages de ce Méditerranéen épris de lumière.

A ses côtés sont invités ceux qui, à quelques années d'intervalle, tombèrent sous le charme des sirènes de "l'Orient", comme on appelait alors cet ailleurs qu'il soit effectivement oriental ou, comme c'est le cas ici, méridional.

La conquête de l'Algérie par la France, à partir de 1830, ou le percement du Canal de Suez en 1869, sont autant de raisons pour les artistes de s'embarquer à bord des premiers bateaux à vapeur et de faire la traversée.

Là, ils succombent à la beauté des villes, des paysages, des habitants, et surtout de la lumière...

Plus souvent douce qu'agressive, elle unifie presque amoureusement les corps, les arbres, les mâts des felouques et les architectures, autant d'éléments verticaux qui rythment des paysages épris d'immensité.

 

Petit tour de l'exposition.


Visitée au son des cris des goélands qui aiment à se percher sur les verrières du musée, L'Algérie et l'Egypte remplit son rôle d'invitation au voyage : que la lumière soit poussiéreuse ou saturée, que la peinture danse avec finesse ou s'écrase en empâtements, elles ouvrent sur les murs d'immense fenêtres donnant sur ces ailleurs qui ont fait rêver.

 

Les villes sont d'une blancheur aveuglante ou d'une tortueuse obscurité oppressante, les flottes amarrées sur les bords du Nil se font forêts, et les arbres, impavides, presque éternels, tiennent tête aux minarets, et regardent de haut les corps éphémères des marchands de passage. 


COURDOUAN accorde d'ailleurs au pin et au palmier une place de choix : solitaire, l'arbre est chez lui comme un souvenir d'humanité, même perdu au coeur de montagnes sauvages, ou sur la côte de Mers el-Kébir.

 

De son oeil d'architecte, COSTE transmet à son crayon la finesse des motifs et des architectures, avec la minutie d'un homme qui a peur - à raison ! - de voir tout cela disparaître trop tôt.

 

ZIEM, inattendu, fait tourbillonner les corps et les tissus au coeur d'épaisses touches colorées. La lumière a fragmenté la réalité. Elle se fait paillettes, elle se disloque, et laisse entrevoir la trame du monde.

 

L'or des pharaons brille dans les cieux vibrant de soleil couchant, et dans les reflets que COURDOUAN fait danser sur ce Nil qui le fascine.

 

Quelle est belle, cette Méditerranée d'en face.

Et comme elle nous ressemble...

 

 

Artistes invités

 

François BARRY - Etienne BILLET - Alfred CHATAUD - Vincent COURDOUAN - Pascal COSTE - Louis-Amable CRAPELET - Victor HUGUET - Emmanuel LAURET - François LAURET - Barthélémy LAUVERGNE - Pierre LETUAIRE - Etienne MARTIN - Adolphe MONTICELLI - Charles VACHER DE TOURNEMINE - Georges WASHINGTON - Félix ZIEM.

 

 

Quelques mots d'auteurs de l'époque

 

"Ce devait être un beau tableau à faire pour un peintre, s'il y en eût un parmi nous, que cette scène de voyage : nos costumes turcs, riches et pittoresques ; nos armes de toute espèce, répandues sur le plancher autour de nous ; nos lévriers couchés à nos pieds ; ces trois figures de femmes accroupies en face de nous sur un tapis d'Alep ; leurs attitudes pleines de simplicité, d'étrangeté et d'abandon ; l'expression de leurs physionomies pendant que je leur racontais mes voyages, ou que nous comparions nos usages d'Europe avec le genre d'hospitalité qu'elles nous offraient ; les cassolettes de parfum qui brûlaient dans un coin embaumant l'air du soir ; les formes antiques des vases dans lesquels on nous offrait le sorbet ou les boissons aromatisées : tout cela au milieu d'une chambre délabrée, ouverte sur la mer, et où les branches d'un palmier, croissant dans la cour, s'introduisaient par de larges ouvertures sans fenêtres".

Alphonse de LAMARTINE, Voyage en Orient, 1835

 

 

 

« Une tache blanchâtre coupée en trapèze commence à se dessiner sur le fond sombre des coteaux, pailletés ça et là d’étincelles d’argent dont chacune est une maison de campagne : c’est Alger, al-Djezaïr, comme les Arabes l’appellent. – On approche ; autour du trapèze, deux ravins aux tons d’ocre entaillent le flanc de la colline, et ruissellent d’une lumière si vive, qu’on dirait qu’ils servent de lit à deux torrents de soleil : ce sont les fossés. Les murailles, bizarrement crénelées, escaladent la roideur de la pente par des espèces d’assises ou d’escaliers. Deux palmiers et quatre moulins à vent occupent les yeux par leur contraste : le palmier, emblème du désert et de la vie patriarcale ; le moulin à vent, emblème de l’Europe et de la civilisation. »

 

Théophile GAUTIER, Voyage pittoresque en Algérie, 1865.

 

 

 

« Un peu en avant, sur un tapis, se tenaient assises, les jambes croisées, quatre ou cinq belles filles, que nous ne saurions mieux comparer qu’aux femmes d’Alger de Delacroix, pour la coquetterie sauvage du type et de l’ajustement. […]

Une des danseuses se leva et s’avança par d’imperceptibles déplacements de pieds jusqu’au milieu de la cour ; elle était coiffée de deux mouchoirs de Tunis rayés de soie et d’or, noués en marmotte sur un petit cône de velours ; sa veste de satin, enjolivée de paillon, était ouverte et laissait voir une chemise de crêpon à bandes mates et transparentes alternativement ; un châle lui servait de ceinture et serrait des caleçons de taffetas cramoisi arrêtés au genou ; un grand foulard zébré de couleurs éclatantes, appelé foutah, lui bridait sur les reins et format une espèce de jupon ouvert par devant. Cet ensemble éclatant allait bien avec se figure régulière, au teint légèrement bistré, aux lèvres de grenade, aux yeux de gazelle agrandis par le surmeh, à l’expression langoureuse et passionnée à la fois. »

 

Théophile GAUTIER, Voyage pittoresque en Algérie, 1865.

 

 

 

« Devant moi, j’ai tout un campement étendu au soleil, chevaux, bagages et tentes : à l’ombre des tentes, quelques gens qui se reposent ; ils font cercle, mais ils ne parlent pas. S’il arrive qu’un ramier passe au-dessus de ma tête, je vois son ombre glisser sur le terrain, tant ce terrain est uni, et j’entends le bruit de ses ailes, tant le silence qui se fait autour de moi est grand. Le silence est un des charmes les plus subtils de ce pays solitaire et vide ; il communique à l’âme un équilibre que tu ne connais pas, toi qui as toujours vécu dans le tumulte ; loin de l’accabler, il la dispose aux pensées légères ; on croit qu’il représente l’absence de bruit comme l’obscurité résulte de l’absence de lumière ; c’est une erreur. Si je puis comparer les sensations de l’oreille à celles de la vue, le silence répandu sur les grands espaces est plutôt une sorte de transparence aérienne, qui rend les perceptions plus claires et nous révèle une étendue d’inexprimables jouissances. Je me pénètre ainsi, par tous mes sens satisfaits, du bonheur de vivre en nomade ; rien ne me manque, et toute ma fortune tient dans deux coffres attachés sur le dos d’un dromadaire. Mon cheval est étendu près de moi sur la terre nue, prêt, si je le voulais, à me conduire au bout du monde : ma maison suffit à me procurer de l’ombre le jour, un abri la nuit ; je la transporte avec moi, et déjà je la considère avec une émotion mêlée de regrets. »

 

Eugène FROMENTIN, Un Eté dans le Sahara, 1854.

 

 

 

« Quelques-uns de ces beaux arbres, ébranlés par la pioche, penchaient d’une façon hasardeuse, d’autres restaient debout comme les dernières colonnes d’un temple ruiné. Sur la chaussée, parmi les flots de poussière, passaient des files de chameaux chargés de pierres ou de cannes à sucre ; trottinaient de leur pas rapide et menu, des baudets talonnés par leurs âniers ; piaffaient et galopaient des chevaux hardiment montés ; grinçaient des chars primitifs attelés de buffles ; se hâtaient des piétons ayant la plupart quelque fardeau en équilibre sur la tête, et s’agitaient des arroseurs publics aspergeant la route au moyen d’une outre, remplie d’eau, suspendue sur leurs reins par des courroies, et dont ils faisaient jaillir le contenu en la pressant. »

 

Théophile GAUTIER, Voyage en Egypte, 1869.

 

 

 

« Je l’avais imaginé très beau, bien immense, couvert d’îlots où dorment les crocodiles, large et fécondant. Je ne m’étais pas trompé. Pendant six mois, enfermé dans ma cagne, j’ai vécu sur le Nil, que j’ai remonté et descendu ; chaque jour, du lever au coucher du soleil, j’ai regardé ses bords qui sont presque des rivages. Qu’il traverse les champs cultivés, qu’il baigne les pylônes des temples écroulés, qu’il arrose les forêts de palmiers, qu’il bondisse sur les noirs rochers des cataractes, qu’il s’élargisse jusqu’à ressembler à une mer, qu’il soit rétréci entre ses berges herbues, qu’il ait ses tempêtes quand souffle le khamsin, ou qu’il coule paisiblement sous le soleil, qu’il se gonfle ou s’ abaisse, à toute heure je l’ai admiré, je l’ai sans cesse trouvé grand, pacifique et superbe, et j’ai toujours envié le sort de ceux qui sont nés sur les rives que j’irai voir encore. On cherche les sources du Nil, on ne les découvrira jamais ; je crois, comme les Arabes, qu’il descend directement du paradis ! »

 

Maxime du CAMP, Le Nil, 1854.

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